La Catastrophe d'AZF, Toulouse : Différence entre versions

De WikiRésilience
(Page créée avec « AIRT « Démarche REX Catastrophes » == Contexte == Dans le cadre de la démarche « Analyse Intégrée de Résilience Territoriale » initiée par le Commissariat Gé... »)
 
Ligne 1 : Ligne 1 :
 +
{{#set:Intéresse un chercheur, professeur, étudiant, institut=Page}}{{#set:Le visiteur apprend, s'informe=Page}}{{#set:A pour cadre les études de cas=Page}}
 +
 
AIRT « Démarche REX Catastrophes »
 
AIRT « Démarche REX Catastrophes »
 
   
 
   
Ligne 171 : Ligne 173 :
 
Fiche résumé réalisée par Adeline Bordais (CGDD-DRI) sous l’initiative et la relecture de Jean-Michel Tanguy (CGDD-DRI) ; à partir des travaux de la version complète de Géraldine BUR (CETE Sud-Ouest). 21/05/2014.
 
Fiche résumé réalisée par Adeline Bordais (CGDD-DRI) sous l’initiative et la relecture de Jean-Michel Tanguy (CGDD-DRI) ; à partir des travaux de la version complète de Géraldine BUR (CETE Sud-Ouest). 21/05/2014.
  
[[Catégorie:Environnement]]
 
[[Catégorie:Risques]]
 
 
[[Catégorie:Département]]
 
[[Catégorie:Département]]
 +
[[Catégorie:Environnement]]
 
[[Catégorie:Région]]
 
[[Catégorie:Région]]
 +
[[Catégorie:Risques]]

Version du 23 septembre 2014 à 12:45


AIRT « Démarche REX Catastrophes »

Contexte

Dans le cadre de la démarche « Analyse Intégrée de Résilience Territoriale » initiée par le Commissariat Général au Développement Durable du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement Durable, la délégation de Toulouse du CETE du Sud-Ouest a été chargée de conduire un retour d'expériences sur la catastrophe d'AZF, par le biais d'entretiens conduits au cours des mois de décembre 2012 et janvier 2013 auprès d'acteurs locaux.

Présentation du territoire

Le pôle chimique de Toulouse


Le pôle chimique.bmp


En 1852, la municipalité de Toulouse décide de transférer la poudrerie historique du centre de la ville vers l'île du Ramier, à 3 km au sud de l'agglomération, dans un endroit relativement isolé. Pendant la seconde guerre mondiale, la poudrerie de Toulouse devient l'une des plus grandes de France et l'industrialisation du site se renforce par la construction d'une poudrerie supplémentaire, de sorte qu'en 1918 le site industriel couvre près de 400 hectares, ôtant au lieu tout aspect champêtre.

En 1924, le site de cette seconde poudrerie est choisi comme lieu d'implantation de l'Office National Industriel de l'Azote (ONIA), qui prendra le nom de Grande Paroisse en 1987, puis d'AZF en 1990. Le pôle chimique de Toulouse a compté jusqu'à 30 000 emplois durant la seconde guerre mondiale puis a connu un fort déclin puisqu'il ne comptait plus, en 1965, que 3 200 emplois. Cette désindustrialisation du pôle chimique a favorisé la forte péri-urbanisation de la ville à partir de la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreux terrains à vocation industrielle, aux prix très attractifs, se sont trouvés libérés pour accueillir l'afflux de population dû d'une part à l'exode rural, d'autre part à la décolonisation. Un nimportant parc résidentiel, notamment à caractère social, a été bâti à proximité du site d'AZF (comme Empalot ou le Mirail).

L'augmentation des besoins en services générée par la construction de logements a conduit, dans les années 60, à la création de la rocade sud puis à l'implantation d'établissements scolaires (années 50 à 70) et enfin d'une importante zone commerciale (années 70 à 80).

Le site industriel AZF

Au moment de la catastrophe, l'usine AZF employait 450 personnes sur un périmètre de 70 hectares et produisait divers produits chimiques, notamment à base d'azote. L'usine AZF était une Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE), soumise à autorisation et servitudes d'utilité publique. Elle était également soumise à la réglementation européenne SEVESO et avait, dans ce cadre, fait l'objet d'une étude de dangers en 1989 qui avait retenu comme scénario majeur la rupture d'un collecteur d'ammoniac et avait ainsi établi des périmètres d'alerte et de protection.

Présentation de l'évènement

Caractéristiques

L'explosion de l'usine AZF s'est produite le vendredi 21 septembre 2001 aux alentours de 10h15 du matin. Au choc de la détonation générée par l'explosion du hangar 221 (qui contenait entre 300 et 400 tonnes d'ammonitrate) s'est ajoutée, quelques minutes après, la constitution d'un épais nuage composé de poussière et d'ammoniac au dessus du site. La détonation a été entendue jusqu'à 80 km. L'onde de choc qui s'en est suivie a été estimée comme équivalent à une secousse tellurique de magnitude 3,4 sur l'échelle de Richter. Elle a été ressentie à des centaines de km.

Le nuage a, quant à lui, enveloppé les quartiers proches du Mirail, de la Faourette et de Bagatelle puis s'est déplacé vers la ville de Colomiers (à 10 km) qu'il a survolée à 10h45 avant de se diriger vers le département du Tarn-et-Garonne. Pendant quelques heures, la ville de Toulouse a été complètement paralysée, complexifiant la tâche des équipes de secours. Les sirènes d'alerte, soufflées par l'explosion, n'ont pu se déclencher. Les réseaux téléphoniques ont très vite été saturés. La circulation automobile puis la circulation aérienne et ferroviaire ont été interrompues.

Il a ainsi fallu entre 15 et 20 mn pour que la Préfecture et les services de secours identifient le site de la catastrophe. Deux types d'actions ont alors été mises en place :

  • d'une part, l'organisation d'un hôpital de campagne à proximité du pôle chimique afin de trier les blessés et de les orienter vers les établissements médicaux les plus adaptés ;
  • d'autre part, la sécurisation des installations chimiques avec l'arrêt des installations dans les minutes qui ont suivi l'explosion puis l'évacuation des produits chimiques qui a duré plusieurs mois sous le pilotage de la Direction de la Recherche, de l'Industrie et de l'Environnement (DRIRE).

Impacts


Azf, toulouse.bmp


Selon le bilan officiel:

  • 30 personnes dont 22 dans l'usine ont perdu la vie durant la catastrophe et 12 000 personnes ont été blessées
  • plus de 30 000 logements ont été détruits ou endommagés
  • plus de 5 000 entreprises ont été sinistrées engendrant des suppressions d'emplois estimées à 960 en juillet 2002
  • 192 bâtiments communaux ont été touchés, dont 85 écoles maternelles et primaires
  • 18 collèges et 11 lycées ont été endommagés dont deux ont été définitivement fermés
  • plusieurs bâtiments universitaires (Université du Mirail, Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologies, cité universitaire Daniel Faucher) ont été touchés entraînant soit des réhabilitations soit des reconstructions dans d'autres endroits de la ville.
  • l'hôpital psychiatrique Marchant situé en face de l'usine a été gravement endommagé et évacué. Ses patients ont été transférés vers d'autres établissements de la région
  • l'hôpital de Rangueil, l'un des deux plus gros hôpitaux de la ville, a également subi d'importants dégâts
  • plusieurs Centres Communaux d'Action Sociale (CCAS) mais aussi plusieurs structures de logement d'urgence ou d'insertion, certains foyers de jeunes travailleurs, de nombreuses maisons de jeunes ainsi que quelques établissements majeurs de l'agglomération (Stadium, Parc des expositions, Zénith) ont été affectés avec des conséquences variables
  • le principal dépôt de bus de l'agglomération toulousaine ainsi que le parc atelier de la Direction Départementale de l’Équipement (DDE) ont dû être entièrement reconstruits
  • le métro a été arrêté par mesures de sécurité pendant quelques heures mais a été rouvert le soir même. Les lignes de bus ont été partiellement interrompues, 100 bus ayant été détruits dans le dépôt proche d'AZF.
  • la ligne inter-gare Toulouse-St Cyprien a été interrompue plusieurs jours.
  • le trafic aérien a été interrompu quelques heures, le temps d'écarter l'hypothèse de la menace terroriste.
  • les réseaux téléphoniques se sont avérés inutilisables pendant quelques heures d'une part parce que certaines installations ont été endommagées par l'explosion, d'autre part en raison de la saturation des lignes ou des coupures d'électricité. Le retour à la normale a pris quelques jours.
  • 3 500 foyers se sont retrouvés privés d'électricité et de gaz, avec un retour à la normale un peu plus long pour le réseau de gaz, les vérifications sur l'état des conduites ayant pris davantage de temps.

La catastrophe d'AZF revêt donc un caractère exceptionnel tant par l'importance des dégâts engendrés que par la couverture médiatique, la forte mobilisation citoyenne et l'intervention politique au plus haut sommet de l’État qui ont suivi.

Problématiques majeures retenues

La catastrophe comme révélateur de la « fracture sociale toulousaine »

La catastrophe n'a pas touché uniformément l'agglomération toulousaine. Les quartiers les plus sinistrés par l'explosion sont des quartiers d'habitat social, pauvres à très pauvres. Les habitants de ces quartiers ont immédiatement rencontré davantage de difficultés pour faire face à la catastrophe. La mobilisation spontanée de multiples acteurs sociaux dans ces quartiers sera relayée dans un second temps par les pouvoirs publics pour coordonner et « institutionnaliser » la gestion de l'urgence. Cependant la catastrophe a révélé la carence d'intervention immédiate des pouvoirs publics dans les quartiers sinistrés qui contraste avec la rapidité de la mobilisation de la société civile et ainsi souligné la fragmentation « socio-spatiale de l'aire métropolitaine toulousaine qui juxtapose des secteurs à très forte qualification et des secteurs où sont rassemblées des populations en difficultés »

Inventer des modes de faire pour gérer la crise

Avant la catastrophe d'AZF, il existait un certain nombre de plans d'urgences, le plan particulier d'intervention du pôle chimique et le plan rouge par exemple. L'intensité de l'explosion et ses conséquences immédiates ont néanmoins mis à mal la capacité des institutions à cibler les mesures les plus efficaces dans les premières heures qui ont suivi la catastrophe. De manière générale, les modes de faire traditionnels se sont avérés inopérants face à l'ampleur de la catastrophe, ce qui a conduit les acteurs locaux à rechercher de nouvelles pratiques et de nouvelles synergies.

Repenser l'aménagement du territoire et la gestion des risques

La catastrophe a révélé un problème de stratégie dans l'aménagement dû à l'absence de conscience du danger au moment de l'initiation du projet d'aménagement. La nécessité de reconstruire des bâtiments mais également un projet plus global pour le sud-ouest toulousain a très vite fait émerger deux tendances lourdes : la volonté de requalifier l'habitat social aux alentours du site détruit et celle de soutenir de nouvelles filières économiques notamment dans le secteur des bio-technologies. Cependant la multiplicité des acteurs et la nécessité d'aller vite pour effacer, en quelque sorte, les stigmates de la catastrophe ont conduit, souvent, à l'adoption de projets morcelés dans lesquels la question du risque est vite passée au second rang, du fait notamment de la disparition du pôle chimique.

Enjeux du territoire en matière de vulnérabilités

Si l'on analyse le territoire dans ses différentes composantes au regard des impacts de la catastrophe, il ressort :

  • une surexposition aux risques industriels de matériels à caractère stratégique comme par exemple le dépôt de bus, le parc de la DDE ; ou de certains réseaux (ex : téléphonie) en comparaison avec les réseaux de distributeurs de gaz et d'électricité exposés ponctuellement à des phénomènes naturels (tempêtes, inondations)
  • une surexposition des bâtiments pour lesquels il n'existe pas de normes spécifiques de construction dans un territoire péri-industriel où le bâtiment pourrait être considéré comme la première protection des individus
  • une surexposition des populations socialement et économiquement fragiles. D'une part, l'urbanisme qui a gagné au fil du 20ème siècle le quartier d'AZF a généré en grande partie de quartiers d'habitat social. Les premières victimes sont donc des populations socialement fragiles. Dans un second temps, la forte tension sur le marché immobilier toulousain, qui se caractérise par une faiblesse du logement social, renforce les difficultés engendrées par la catastrophe en matière de relogement
  • une surexposition d'établissements scolaires. Or les écoles constituent une cible sociétale sensible : capital émotionnel important et capital humain. Ce sont aussi les générations futures qui sont impactées.

Ce constat implique de se questionner, en termes de résilience :

  • sur la capacité et les conditions dans lesquelles les acteurs du territoire parviennent à prendre en charge les victimes de la catastrophe
  • sur la capacité du territoire à se reconstruire dans un contexte où la perception du risque est nécessairement accrue
  • sur la pérennité dans le temps des mesures ou des modes de faire adoptés en période de crise.

Actions menées en faveur de la résilience territoriale

Prise en compte des victimes de la catastrophe

Les quartiers de Toulouse situés à proximité du pôle chimique sont ceux qui rassemblent les populations ayant les revenus les plus faibles de l'agglomération. Ce sont aussi les premiers impactés par la catastrophe. Dans les heures qui suivent le drame, les habitants de ces quartiers ainsi que des associations et des travailleurs sociaux présents antérieurement à la catastrophe se mobilisent spontanément pour venir en aide aux personnes les plus touchées. Pour les travailleurs sociaux, c'est l'occasion d'activer des réseaux, de faire jouer des coopérations nouvelles qui bousculent finalement les cadres d'intervention traditionnels.

Les pouvoirs publics tardent, quant à eux, à intervenir dans ces quartiers. Cette « fracture » sociale est largement retranscrite dans la presse où il est fait état d'une population laissée à l'abandon et désorientée.

Création d'outils et de modes de faire pour aider au relogement

La gestion de crise a révélé le manque d'outils disponibles pour le relogement et a conduit à l'adoption de processus innovants et à un renforcement de la coopération entre les différents acteurs du territoire. Après la catastrophe, la Préfecture a mis en place une cellule d'urgence dans le but d'organiser les secours, l'accueil d'urgence, le relogement des sinistrés, etc... Cette cellule a fonctionné durant un mois environ. Elle s'est ensuite transformée en un comité de suivi chargé de traiter différentes problématiques : relogement, travaux, social, médical, etc.

Parallèlement, 7 cellules dédiées ont été spécifiquement mises en place faisant intervenir principalement les services de l’État, la mairie, le Conseil Général.

En ce qui concerne les dégâts matériels sur les logements, l'association "les architectes de l'urgence" est très vite intervenue pour établir des pré-diagnostics d'urgence. Sur la base de ces diagnostics, les pompiers et la mairie ont opéré une mise hors d'air et hors d'eau des bâtiments qui pouvaient rester occupés.

Un relogement d'urgence a été organisé dès le premier soir dans 5 gymnases de la ville puis dans des mobile-homes en lien avec la SONACOTRA.

Peu après, les entreprises locales du bâtiment ont ouvert un numéro vert pour que les sinistrés puissent les contacter directement en cas de besoin mais répondre aux demandes est très vite devenu ingérable et ces entreprises se sont retournées vers les pouvoirs publics.

Parmi les autres solutions innovantes imaginées pour répondre aux difficultés des victimes, on peut noter également la négociation menée avec EDF-GDF et Total pour que le surcoût des factures d'énergie soit pris en charge par Total et que les habitants paient des montants équivalents aux factures des années antérieures.

Requalification de la ville après la catastrophe

Le territoire où se situe l'ancienne usine d'AZF est un territoire mal relié au reste de la ville (il n'est accessible que par la route d'Espagne) et non valorisé. Outre ce positionnement défavorable, il existe un certain nombre de contraintes en matière d'urbanisme : un périmètre SEVESO au départ assez large qui a été réduit suite à la fermeture des entreprises chimiques, un Plan Local d'Urbanisme opposable, un Plan d'Exposition au Bruit.

Suite à la catastrophe, les pouvoirs publics ont dû organiser le débat autour de l'avenir du pôle chimique toulousain et une fois la décision prise de fermer le site d'AZF, bâtir un projet d'aménagement de la zone qui prenne en compte ces différentes problématiques, en plus de contraintes techniques spécifiques. Or le site d'AZF et ses alentours, qui font aujourd'hui l'objet du projet d'aménagement, représentent une surface considérable. La Zone d'Aménagement Concertée fait 165 hectares, avec 300.000 m2 de Surface Hors OEuvre Nette (SHON).

C'est donc un projet d'aménagement ambitieux et à forts enjeux pour la ville de Toulouse qui se construit encore actuellement en lieu et place de l'ancien pôle chimique.

Perception du risque après la catastrophe

Formellement, la catastrophe d'AZF a modifié la perception du risque dans les pratiques d'aménagement. Actuellement à Toulouse, de nombreuses questions se posent par exemple autour du stockage d'hydrocarbures ESSO.3 Toutes les solutions sont envisagées y compris le déménagement de certains habitants qui pourraient être exposés à un risque mais également le déménagement du stock lui-même.

Il semble cependant complexe de maintenir un niveau de vigilance adéquat sur la durée. En effet, après une catastrophe comme AZF, la réaction immédiate consiste à adopter des solutions maximalistes en matière de sécurité. Puis, au fil du temps, la vigilance s'atténue, du fait peut-être d'une culture du risque peu présente en France en comparaison avec d'autres pays. Pour illustrer, il suffit de constater que lors de la catastrophe d'AZF, tous les systèmes de secours ne fonctionnaient pas, dans un premier temps, du fait de la rupture des moyens de communication alors même que le risque technologique autour du pôle chimique était identifié.

Quelles pourraient être les pistes à explorer pour pallier cette difficulté et ainsi favoriser la résilience post-catastrophe?

Dans un premier temps, l'effort pourrait porter sur le renforcement de la culture du risque en agissant sur les comportements individuels, en diffusant les bonnes pratiques (savoir adopter les bons réflexes). La réponse collective à la crise est en effet globalement satisfaisante mais il peut y avoir des défaillances qui relèvent de l'individu, comme le révèle la catastrophe d'AZF.

Par ailleurs, la collectivité doit s'interroger sur le niveau de risque acceptable au regard des enjeux du territoire (économiques, sociaux, …) et en déduire un niveau d'exigences à atteindre en termes d'organisation, de prévention, de gestion de crise.

Enseignements

Les points positifs

La catastrophe d'AZF mais également la phase de reconstruction qui a suivi permettent d'identifier un certain nombre de facteurs susceptibles de favoriser la résilience de la population et/ou du territoire victimes d'un événement majeur.

Le fait qu'une perception du risque pré-existe à la catastrophe favorise l'adoption d'une réponse individuelle et collective adéquate en période de crise. Dans le cas d'AZF, plus les gens impactés se trouvaient proches du site, plus vite et mieux ils se sont organisés car dans les quartiers jouxtant l'usine, l'idée était colportée qu'un jour ou l'autre il pouvait se passer quelque chose. Au contraire les gens qui habitaient à des dizaines de km et qui ont été impactés par l'onde de choc ont eu plus de difficultés à réaliser et à s'organiser en conséquence.

La dynamique du territoire qui pré-existe à la catastrophe influence sa capacité de résilience. A Toulouse, le secteur économique s'est rapidement remis de la catastrophe d'AZF et de ses conséquences en matière d'emplois car la Chambre du Commerce et de l'Industrie s'est fortement mobilisée pour soutenir les entreprises sinistrées mais également parce que le territoire métropolitain toulousain est l'un des plus attractifs de France (avec notamment de fortes possibilités de reclassement et des activités de pointe).

La possibilité de retour à la normale est conditionnée par la capacité des pouvoirs publics à adapter leurs pratiques et à trouver des solutions innovantes pour répondre à la crise. Dans le cas d'AZF, la nécessité de reloger rapidement les sinistrés dans des conditions décentes a poussé État, collectivités et professionnels du bâtiment à travailler de concert en imaginant de nouveaux modes de faire.

La résilience nécessite d'effacer les traces de la catastrophe sans pour autant l'oublier. Bâtir un projet fédérateur porté par une forte volonté politique et une mobilisation nationale favorise cette démarche. « S'il n'y avait pas eu le projet d'Oncopôle, jamais le quartier d'AZF n'aurait pu se reconstruire aussi rapidement. Les gens acceptent de vivre dans le souvenir mais pas dans la douleur et ce projet permet de tourner la page implicitement. Par ailleurs, il va complètement dans le sens de l'intérêt général du territoire. C'est finalement l'illustration de ce que peut apporter le politique dans la vie des gens. » (extrait d'entretien avec M. Claude RAYNAL, maire de Tournefeuille, vice-Président de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse).

Les lacunes

La gestion de la catastrophe d'AZF a été marquée par la difficulté à identifier les acteurs de la crise et à les coordonner, du fait notamment de la mobilisation spontanée de différents groupes issus du milieu associatif. Les pouvoirs publics doivent donc se questionner sur la manière d'associer en amont et pendant la crise, le cas échéant, les différentes parties prenantes pour bénéficier de l'expérience de chacun.

Les modes de faire et les nouvelles synergies créées entre les acteurs du territoire pendant la crise n'ont pas été capitalisés. Faut-il y voir une volonté de tourner la page de la catastrophe? Comment pérenniser les bonnes pratiques au-delà de l'événement même ?

Reconstruire rapidement permet d'effacer les stigmates de la catastrophe. Cependant les décisions qui découlent de cette posture sont parfois prises au détriment d'un projet qui aurait pu être davantage inscrit dans la dynamique de l'agglomération. Comment concilier le temps de la construction du projet (qui nécessite une large concertation) et celui de la reconstruction qui se veut rapide et efficace ?

Le politique éprouve encore des difficultés à arbitrer entre l'enjeu économique et social du maintien d'une activité et les risques engendrés par celle-ci. Pour qu'il en ait les moyens, il faut sans doute développer une véritable culture du risque : en conserver la mémoire, faire progresser la connaissance, éviter de s’exposer, étudier l’expérience des autres pays, évaluer le coût et l’efficacité des mesures de prévention.

Références

Fiche résumé réalisée par Adeline Bordais (CGDD-DRI) sous l’initiative et la relecture de Jean-Michel Tanguy (CGDD-DRI) ; à partir des travaux de la version complète de Géraldine BUR (CETE Sud-Ouest). 21/05/2014.